Jeunes en librairie : rencontre avec l’illustratrice Fabienne Cinquin

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Vendredi 12 mai les élèves de l’atelier Jeunes en librairie ont rencontré Fabienne Cinquin pour échanger autour de son métier d’illustratrice, ses albums et plus particulièrement sur Le cabinet des curieuses dont des originaux étaient exposés au CDI.

Depuis quand êtes-vous illustratrice ?

Ça fait une trentaine d’années que je fais de l’illustration, depuis 1990 environ.

Aimez-vous votre métier ? 

Je l’aime plus que tout. Et de plus en plus à cause du temps qui passe très vite. Ça me donne un appétit encore plus fort pour faire des projets.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire ce métier ?

Vous connaissez la famille Dubouchon ? C’est dans la BD Tom Tom et Nana. J’adorais cette BD enfant. Un jour j’ai demandé à ma mère « C’est qui Bernadette Després ? » Elle m’a répondu que c’était l’illustratrice. Et c’est à ce moment que j’ai eu l’idée de devenir illustratrice.

Quelles études faut-il faire pour devenir illustratrice ?

Il n’y a pas de règles pour devenir illustrateur. Tu peux être totalement autodidacte. Moi j’ai fait les Beaux arts de Lyon. C’est une grande école. Il y avait un atelier d’illustration dirigé par Jean Claverie, dont les livres m’ont fait rêver enfant.

Quels outils utilisez-vous pour faire vos illustrations ?

Les outils traditionnels du dessin. Papier, petit carnet. Je n’aime pas utiliser la même technique. Par contre tout est manuel. J’ai de l’appétit pour essayer de nouvelles techniques comme la linogravure en ce moment. Par contre je ne suis pas à l’aise dans la reliure, la craie grasse et la peinture à l’huile : ça ne me convient pas. Je préfère l’aquarelle, le dessin, le collage, les techniques mixtes.

Où travaillez-vous ?

J’ai la chance d’avoir deux ateliers. Un à la maison et un partagé avec un sérigraphe à Clermont qui fait des gravures sur bois. Mais il y a moins de confort. Tout ce qui demande du soin je le fais à la maison. Deux ateliers pour deux fonctions.

Qui sont vos collaborateurs ?

C’est un métier solitaire. Mais on travaille avec d’autres personnes. Il y a d’abord l’éditeur, c’est lui qui nous confie le texte. Puis le directeur artistique de la maison d’édition. Si tu as des exigences tu peux aussi rencontrer l’imprimeur. J’aime beaucoup travailler avec les éditeurs. A l’atelier du Poisson soluble, l’éditeur et le directeur artistique sont très exigeants mais ce sont de super collaborateurs. Contrairement à ce que pense les lecteurs, nous ne travaillons que très rarement avec l’auteur du texte. Il m’est arrivée de faire un album sans côtoyer l’auteur une seule fois. C’est l’éditeur qui choisit l’illustrateur qui lui semble intéressant pour un texte et fait une proposition.

Comment trouvez-vous l’inspiration pour vos illustrations ?

C’est un entraînement quotidien. Tu dessines tous les jours dans des carnets des croquis de choses que tu trouves intéressantes. C’est un répertoire d’idées. Je suis une vraie éponge. J’absorbe et puis je restitue. L’art m’inspire beaucoup. J’ai beaucoup été influencée par mes parents qui étaient professeurs d’art déco. Ils avaient une grande bibliothèque de livres d’art. Chaque jour à une époque j’en lisais un nouveau.

Combien de livres avez-vous publiés ?

Je ne sais plus, je ne compte pas. Je dirais une vingtaine.

Pourquoi votre style d’illustrations change selon les albums ?

J’essaie d’adapter la technique en fonction de l’histoire, du texte. J’adore me renouveler.

Quelle est votre technique plastique préférée ?

Ce que je fais en ce moment. L’encre avec la linogravue, les pochoirs… Je n’ai pas vraiment de technique préférée.

A quels types de lecteurs sont destinés vos albums ?

A tous. Grâce à Olivier Belhomme (aux éditions l’atelier du Poisson soluble) j’ai compris qu’un bon album doit convenir à tous les lecteurs. Je me défends de faire des albums uniquement pour la jeunesse.

Avez-vous un thème, un sujet favori ?

J’aime bien l’étrange, le bizarre. Tout ce qui est énigmatique. J’aime créer des images qui donnent à voir plusieurs sens. J’aime la noirceur des contes de Charles Perrault, celui d’Alice au pays des merveilles. Je me documente beaucoup avant d’illustrer un texte. Il y a beaucoup de références dans mes images.

Quelle est votre création préférée ?

J’aime beaucoup Le type, Le cabinet des curieuses. Et le prochain que je ferai, qui sera encore mieux !

Quel est votre illustrateur ou artiste préféré ?

La liste est trop longue ce n’est pas possible ! Vous avez un mois devant vous ? Plus je vieillis plus j’emmagasine. Je pense à des textes, des poèmes, des chansons aussi. Tout se bouscule… J’ai envie de citer Reiser, Tomi Ungerer, Saul Steinberg. La liste est immense.

Est-ce que vos albums sont traduits dans d’autres langues ?

Oui le type par exemple est traduit au Brésil. Le Poisson soluble propose ses albums jusqu’en Chine !

Quel est l’album qui a rencontré le plus de succès ?

Le type qui est toujours imprimé. C’est devenu un classique de littérature jeunesse.

Combien gagnez-vous pour chaque album ?

Pour vivre de son métier d’illustrateur, il faut faire beaucoup d’illustrations et publier chez de grands éditeurs comme Gallimard. Eric Battut, qui est un illustrateur auvergnat, vit de ses droits d’auteurs. Mais c’est très rare.

Quand l’éditeur commande un album à illustrer, il nous verse un cachet (environ 2000 euros) Puis ensuite on perçoit les droits d’auteur sur chaque vente (environ 2%) Mais faire l’illustration d’un album c’est long. Pour faire une affiche je touche autant alors que j’y passe beaucoup moins de temps.

Quand on débute dans le métier c’est un peu stressant financièrement. C’est pour ça que j’ai commencé à donner des cours aux lycéens et étudiants. Cela me permettait d’avoir un minimum fixe de revenus.

Avez-vous d’autres activités en parallèle avec votre métier d’illustratrice ?

Je ne fais pas que de l’illustration : je fais aussi de la communication visuelle comme des affiches. Je travaille sur une projet d’illustration d’un livret autour d’un centre d’hébergement de migrants par exemple. Mais je ne fais pas de publicité. Je n’ai jamais voulu. Et je donne aussi des cours de dessin à des étudiants. En ce moment je travaille sur une fresque murale.

Quelle sera votre prochaine création ?

Je l’ai dis j’ai un projet d’illustrations d’un livret autour de l’expérience d’un centre d’accueil de migrants. C’est un beau projet avec des musiciens aussi.